Il est devenu difficile, voire mal vu, de parler de peinture à l’heure de l’art contemporain où la singularité (à tout prix ?) est devenue le principe de base de beaucoup d’artistes préoccupés à la fois par le désir de se distinguer et celui de plaire à l’institution. On parle alors, souvent, de « recul de la peinture », qu’elle est « décorative », pas assez « sensée » etc… Ecoutant de moins en moins, comme elle le dit, « ces voix qui m’ont longtemps tourmentée », sans prétention et surtout sans culpabilité ni nostalgie, assurément, Anne Vignal vit son art aujourd’hui comme une méditation, un exercice pour l’âme et l’esprit, dans lequel se profilent une plénitude et une sérénité qui parcourent toute l’œuvre comme un long fleuve tranquille. Tendres monochromes, coraux chauds, bleus célestes, rectangles nuageux et poreux rendent ses tableaux légers et aériens. Parfois, sous la douceur apparente couve le feu : des magmas rouges bouillonnent, occupant de grandes surfaces incandescentes. Elle ne pratique pas l’abstraction mais des abstractions : ses œuvres géométriques sont des carrés magiques, des mosaïques ludiques ou des échiquiers irréguliers. Colorées, dynamiques, ce sont des territoires où jubile la peinture, des impressions chromatiques où l’œil se perd. Ses grandes toiles imbibées de couleur sont des champs aux limites incertaines, ouverts au doute. Ses architectures sont des structures colorées, des jeux d’espace, de matière et de couleur. Des fenêtres familières se profilent dans ces régions intemporelles où des paysages, lieux, cités qui se bâtissent en couleurs flamboyantes sont magiquement mêlés. Mais en même temps, chaque construction est guettée par sa ruine, pas de constructions éternelles et toutes chancellent aussitôt érigées car elle ne peint pas des formes (ou si peu) mais des structures colorées en juxtaposant des surfaces vibrantes de lumière ; ce qui est loin d’être simple car la peinture, exigeante, impose la concentration et l’ouverture à la matérialité de la couleur et à ses hasards contrôlés ; cette exigence a fait que, totalement absorbée par cette pratique, l’artiste ne se tourne vers aucun autre médium, dédiant sa vie quotidienne à la peinture, poussant le plus loin possible ses tentatives de cerner au plus près les structures constructrices de la lumière, la maîtrise et la matérialisation de la couleur. Dans ces patchworks picturaux très physiques, très sensibles, il y a à la fois une présence visuelle et spirituelle qui éclate comme un soleil ou rafraîchit comme une brise ; elle s’en défend mais sans nul doute les « voyages à Alger…» sont évoqués dans ces traces, graphismes timides et légers, cette lumière qui inonde l’œuvre et ces portes ouvertes sur des univers musicaux. En évoquant Matisse, le fauve de la peinture, l’artiste se place dans un monde où la couleur pure nous rapproche non seulement de l’Afrique mais aussi de l’orient : les peintures primitives ne sont pas loin dans ce travail qui renvoie à la pratique première de cet art, à la pureté du geste et la sincérité de l’acte. Les formes géométriques traduisent une spiritualité qu’elle maintient tout au long de son œuvre : dans ses méditations éclairées où la couleur gagne en intensité, où cohabitent parfois des morceaux choisis de couleur, des changements évolutifs des tons, des fluctuations colorées et certaines interventions de traits, il y a un fort désir de proposer des chemins apaisants pour retrouver l’émotion de la sensation première.
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